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Inaction climatique : les raisons cognitives et sociales

Aujourd’hui on sait tous que la planète va mal et que l’on va à l’encontre de grands dangers mais qu’est ce qui explique que l’on a autant de mal à passer l’action, à ce que les actions engagées soient à la hauteur de l’enjeu ? On peut le voir lors des COP par exemple où les actions des différents gouvernements ne sont jamais à la hauteur des discours prononcés. Ce phénomène, expliqué par le neuroscientifique Albert Moukheiber, est appelé le gap intention-action, qui s’applique lors de la procrastination par exemple.

L’inaction ou l’effet spectateur

Dans les années 70, des chercheurs en sciences comportementales ont cherché à comprendre dans le cadre de faits divers l’absence d’action de témoins de crime ou de situation de mise en danger d’autrui. Ils ont mis en évidence que lorsqu’une personne est seule à assister à une situation dangereuse pour autrui, dans 90% des cas elle intervient ou appelle les secours. Ce taux baisse lorsque le nombre de témoins augmente, car quelqu’un d’autre pourrait prendre l’action à notre place. L’effet spectateur inhibe notre envie de changer ou d’agir. Les scientifiques l’ont nommé effet diffusion de la responsabilité. C’est-à-dire qu’une personne seule a plus de chances d’agir que lorsqu’elle est dans un groupe. Cette diffusion de responsabilité s’applique aussi à des groupes, des groupes sociaux, des entreprises, des états etc. et explique en partie l’inaction climatique.

Les 3 critères de chutes civilisationnelles

Un chercheur « Heilheiser hudokovski » a identifié trois critères systémiques des chutes civilisationelles. Et le réchauffement climatique regroupe les trois. La première est quand les décideurs n’ont rien à perdre dans l’impact de leurs décisions. La deuxième se sont les informations asymétriques, certaines ont les bonnes informations et ne peuvent pas les transmettre de manière efficace. Dans le cadre du réchauffement climatique, les études ont commencé à alerter à partir des années 20, les études ont vraiment foisonné à partir des années 40-50 mais jusqu’à présent on ne prend pas vraiment en charge la situation. Le 3ème critère c’est qu’on sait quoi faire mais on a besoin d’un chef d’orchestre, on a un problème de coordination. Il s’agit d’un problème d’implémentation de la solution. Un problème de cognition sociale, comment l’influence des autres m’empêche d’agir.

Inaction climatique : le biais de confirmation

Les biais cognitifs

Le biais de confirmations c’est quand on a va choisir les informations qui confirment ce qu’on pense et on va mettre de côté celles qui le contredisent. Le biais de confirmation vient sous tendre un autre biais qui est très puissant et qui s’appelle le raisonnement motivé. On a déjà la conclusion de notre raisonnement et on va piocher dans les faits pour prouver la conclusion. C’est une sorte d’engrenage qui sous tend une sorte de croyance.

Dès qu’on a une dissonance cognitive, c’est-à-dire deux croyances qui sont en contradiction, le biais de confirmation va me permettre de retrouver une sorte de consonnance et ce qui se passe pour le réchauffement climatique. Par exemple je sais que ce n’est pas bien de prendre l’avion mais j’ai vraiment envie de partir en vacances à l’autre bout du monde. Je vais pouvoir sortir de cette dissonance par exemple en allant sur le site d’Air France et voir que je peux compenser les émissions de mon vol en plantant des arbres. Alors que ce n’est que du marketing.

Et enfin on peut tout simplement arrêter d’essayer de faire quelque chose parce qu’on pense que c’est trop tard. C’est ce qu’on appelle l’état d’impuissance acquise. Même si j’ai tous les comportements vertueux qui existent je vais juste développer une sorte d’échec permanent qui va m’avoir à l’usure.

Changer les règles du jeu

C’est dangereux de parler uniquement des facteurs individuels parce qu’on suresponsabilise l’individu et de cette façon on invisibilise quelque part le système.

Il y a aussi les déterminants économiques, par exemple il est bien plus difficile de se procurer de la nourriture vegan que d’acheter un MacDonald. On devrait avoir des sociétés de protection de nos biais, par exemple la loi qui a imposé de mettre le prix au kilos sur les étiquettes. Cette loi a donné la chance à notre cerveau d’avoir les bonnes informations.

L’hypothèse que c’est simplement notre cerveau qui nous empêche d’agir est extrêmement réductrice.

Notre contexte sociétal économique de norme informationnelle dans lequel on baigne est primordial sur la manière dont notre cerveau traite ces informations.

Derrière tout ça il y a un peu la croyance dans le génie humain. On fait le pari que comme la technique nous a sauvé avant, elle va nous sauver dans le futur. Ça s’appelle l’illusion de connaissance. Mais c’est une sorte de raisonnement circulaire, parce que les romains, les mongols, avaient aussi une technique qui ne les a pas sauvés. C’est une sorte de scientisme, une sorte d’intervention fortuite qui va apparaître et qui va nous sauver. Par exemple la première usine qui capte le CO2 de l’atmosphère pour le transformer en oxygène a été inaugurée en Islande. En gros on a dépensé des millions pour construire un arbre, sous forme d’usine.

Le récit de la technocratie est très puissant, parce qu’on a éradiqué les grandes maladies et on a fait de grands progrès techniques, mais on a aussi éradiqué 50% de la biosphère. La question c’est que la technique a un prix. C’est très dangereux de faire ce pari à l’aveugle.

Pour finir la réponse à la question, le climat tous biaisés ? oui on est tous biaisés mais pas à cause de notre cerveau mais à cause des systèmes qu’on crée. Comment est ce que je peux savoir si je que je sais est de bonne qualité. On appelle ça le raisonnement critique. Chaque système, chaque règle du jeu conditionne comment les humains vont agir et donc nos biais ne dépendent pas seulement de notre cerveau mais dépendent aussi des règles qui régissent le système dans lequel je me trouve. Une des manières si on veut avoir une chance de sortir c’est comment est-ce qu’on va pouvoir changer les règles du jeu ? et ces règles du jeu on n’y a pas tout le temps accès. En conclusion on ne peut pas s’en sortir juste en regardant le comportement des individus mais en cherchant comment on peut changer les règles du jeu.

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